Quatre ans se sont écoulés depuis le deuxième album de Hyphen Hyphen, un éclatant HH que le groupe avait composé et intégralement produit lui-même. Quatre années comme vécues à bord du wagon d’un grand huit, puisqu’elles ont vu le trio passer d’une formidable tournée à guichets complets (près de 200 dates en deux ans) à, crise sanitaire oblige, une assignation à résidence. Pour une formation qui a longtemps bâti sa réputation sur scène et enchaîné les semaines sur la route, le retour à domicile aurait pu être fatal. C’est finalement l’inverse qui s’est produit : contraint à l’isolement, le groupe a su transformer les confinements successifs en une opportunité pour revenir à ce qui fait sa cohésion depuis plus de dix ans : un amour sincère pour la musique, le jeu et le songwriting.

« On avait enregistré l’album précédent avec l’envie de se prouver qu’on était des producteurs. Pour celui-ci, il s’agissait de se prouver qu’on était des musiciens. Tout a été enregistré en live en studio. On voulait vraiment retrouver une âme de groupe. » Avec nostalgie mais sans passéisme, le trio a replongé dans la discographie des groupes et artistes des années 70, de Fleetwood Mac à America en passant par Bruce Springsteen. Puis s’est attelé à l’écriture du troisième chapitre de sa discographie, qu’il a baptisé C’est La Vie, et pour lequel il a d’abord choisi de ralentir et de prendre le temps.

Celui, d’une part, d’opérer des allers-retours entre les studios ICP de Bruxelles (où Hyphen Hyphen avait façonné son premier disque) et son studio personnel du 19e arrondissement, agencé façon DIY pendant le premier confinement. Celui, ensuite, de travailler l’écriture, grâce à leur rencontre avec Glen Ballard, avec qui le trio co-signe aujourd’hui deux morceaux. Collaborateur d’Alanis Morissette, Katy Perry ou Michael Jackson, l’Américain, dont le CV affiche une belle collection de Grammy, a joué un rôle décisif dans ce nouvel épisode.

« Glen travaillait sur des musiques de séries et de films et vivait à Paris à ce moment-là. Notre rencontre a été marquante. Il nous a montré comment il écrivait puis nous a invités à être plus simples, plus directs dans l’expression de nos émotions. Cela avait beau être la première fois qu’on laissait quelqu’un entrer à l’intérieur de notre trio, cela s’est fait de manière très fluide. »  D’autres invités ont rejoint l’aventure, comme les mixeurs Mark « Spike » Stent (Ed Sheeran, Lady Gaga, Beyoncé…) et Dan Grech (Lana del Rey, Moby…), chacun signant là sa première mission pour un artiste français. Riche de ce casting en or, ce troisième album est pourtant aussi le plus personnel d’Hyphen Hyphen, qui reconnaît d’ailleurs avoir trouvé dans sa composition une manière de surmonter les séismes personnels vécus ces dernières années.

On y retrouve le songwriting impeccable du groupe, capable de tailler des joyaux mélodiques aux allures de classiques immédiats, à l’instar de l’irrésistible premier single Don’t Wait for Me, justement coécrit avec Glen Ballard. On y redécouvre aussi la voix acrobate de Santa, plus à nu que jamais (Call My Name ou encore Symphony, où elle s’impose comme une cousine éloignée de Kate Bush). Renouant avec l’énergie  du live (Too Young, Help Yourself), le groupe agence un grand album de pop sensible, dansante, mélancolique et hédoniste à la fois : il y apprend à vivre avec ses fantômes (Help Yourself), ressuscite ses premières amours punk (Lie !), invite au lâcher-prise (Own God) ou à l’acceptation de nos failles et bizarreries (Cry Cry Cry).

Empruntant toujours à l’humour (Voices in my Head), il excelle dans l’art de rendre percutants pour tous des textes pourtant intimes. « Pour cet album, on a eu envie d’aller vers une musique universelle, qu’on pourra ainsi défendre à l’étranger. C’est notre fonctionnement depuis le début : on essaye de s’approcher de notre rêve, marche après marche. Avec comme guideline la volonté de conquête.» C’est aujourd’hui une conquête de l’Ouest qui s’annonce pour le groupe. Après avoir déjà assuré une poignée de concerts en Europe, Hyphen Hyphen s’apprête à passer à l’étape supérieure. L’automne prochain, le trio partira outre-Atlantique pour séduire le public américain. Gageons dès aujourd’hui que ce nouvel album et sa collection de chansons imparables devraient lui faciliter la mission.