Actions Culturelles

Interview de Gringe par les étudiants de l’École des XV

Gringe se confie aux jeunes journalistes de l'École de XV !

Les apprentis journalistes d’Aix en Provence, élèves de 4ème 4 au Collège Jas de Bouffan et bénéficiaires de l’association l’« École des XV » ont rencontré Lucie Ponthieux Bertram, journaliste spécialisée dans la musique, et se sont intéressés à l’artiste Gringe afin d’imaginer des questions à lui poser. Ils l’ont rencontré au 6MIC le 30 janvier dernier, juste après ses balances et avant son concert, dans le cadre de la tournée de l’album Hypersensible.

Chaleureux, sympa et patient, il a donné des réponses détaillées aux questions très précises des jeunes : exclus sur sa carrière, vie privée, mélancolie, ressentis face aux politiques actuelles… Une demi-heure d’échanges intenses.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir rappeur ?

Comme vous, je pense ! Vous écoutez du rap j’imagine ? Nous, ce n’était pas autant une musique populaire à l’époque 90. J’écoutais des trucs, je vivais à Cergy Pontoise, dans la banlieue de Paris, et les grands, soit ils breakaient, soit ils faisaient du graffiti. Il y avait du Djing et quelques-uns rappaient ; c’était une des disciplines du hip-hop. Ce sont les rappeurs de ma ville qui m’ont en premier donné envie de rapper.

Quelle est la différence entre jouer en duo ou en solo ?

Je ne suis jamais vraiment en solo ! J’ai commencé avec Orel (Orelsan, NDLR) ; en tout cas, c’est comme ça qu’on m’a identifié en premier. Au début, j’étais son backer, puis on a commencé à faire des trucs tous les deux dans le groupe Casseurs Flowters. Mais en fait, sur la scène, ou même quand j’écris un livre, je ne suis pas tout seul. Mon livre, je l’ai co-écrit avec mon petit frère, on était aussi en duo. Pour mon premier album en solo, Enfant Lune, j’ai tourné avec DJ Pone, qui a été entre autres le dj d’NTM… je ne suis donc jamais seul, je fais des projets de groupe.

Pourquoi ressent-on de la nostalgie dans toutes tes chansons ?

(Rires). Je poserai la question à mon psychologue ! Je suis quelqu’un de mélancolique… Je ne sais pas si certains d’entre vous écrivent ou chantent, mais la mélancolie est une bonne matière, une bonne source d’inspiration pour écrire des textes.

Pourquoi utiliser autant le mot « plomb » dans les morceaux Du plomb et Effet de surplomb ? Quel est le message derrière ce mot ?

C’est pour que ça rentre bien dans la tête ! Du plomb, c’est un morceau sur les violences policières, sur ce qu’il s’était passé à la mort de Nahel. Je voulais un morceau court, et bien insister sur le côté autoritaire et arbitraire du gouvernement. Sur le bras armé de l’état qui est parfois brandi impunément. On parle de Nahel, mais c’est un tout ; d’où la répétition.

Dans Effet de surplomb, je fais référence à un vrai syndrome : celui des astronautes qui, lorsqu’ils décollent vers l’espace, ressentent un sentiment qui s’apparente au vertige. On l’appelle « effet de surplomb ». Il apparaît lorsque, depuis l’Espace, ils se rendent compte que la terre est minuscule, et que l’Espace est immense. À leur retour, ils réalisent l’immensité dans laquelle on vit, et l’absurdité de l’être humain, parfois.

Qu’est ce qui te touche dans la mort de Nahel ? Que veux-tu dénoncer ?

Quand j’étais adolescent, je grandissais dans une société au gouvernement socialiste. Ça ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’injustice, mais c’était vachement moins austère. Il y avait bien sûr des inégalités, mais pas autant qu’aujourd’hui. De nos jours, j’ai l’impression qu’on est vraiment du charbon pour la locomotive, qu’on travaille pour survivre et qu’on a peu de perspectives d’avenir. Pour votre génération, encore plus. Les politiques d’aujourd’hui jouent à un jeu décomplexé, ils ne se cachent plus pour mentir : on paye des impôts qui se barrent n’importe où, sauf dans les hôpitaux, les écoles ou partout où il y en a besoin. Dans Du plomb, j’exprime le fait qu’on vit des réalités de plus en plus dures.

Te considères-tu Hypersensible, comme le nom de ton nouvel album ? Ou bien tu te sers de la tristesse pour faire passer un message ?

Belle question ! La tristesse et la mélancolie sont des vecteurs, des moyens pour faire passer des messages. En les écrivant, ça m’aide à réparer des bobos intérieurs. Quand j’écris, j’essaye de tendre le miroir à celui qui écoute, car je pense que ça peut nous réparer un peu tous, la musique, l’écriture, l’art en général. Ce sont des moyens pour s’évader, et en tant qu’artiste, je me sens une petite responsabilité de communiquer des émotions à celui qui m’écoute.

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps entre tes deux albums ?

Parce que je suis lent, fainéant, je n’avais pas grand-chose à raconter après le premier album. Puis j’ai eu l’opportunité de jouer dans quelques films, quelques séries, je me suis concentré là-dessus. Aussi, il est important de prendre son temps. Aujourd’hui, tout va très vite, le message se disperse. Il faut prendre le temps de savoir ce qu’on veut, pour vivre des choses et se nourrir de plein de trucs : de rencontres, de voyages, de cinéma…

Est-ce que tout ce que tu écris est autobiographique ?

Absolument tout. Avec Orel, on rigolait beaucoup, on était très « égo-trip », on fantasmait des fois ce qu’on racontait, on imaginait. Mais sur mes projets solo, je parle de ce que je ressens, de mes émotions, de mes sujets personnels : famille, relations, santé mentale… Puis des fois j’aime prendre de la hauteur et regarder ce qu’on fait nous, humains, ce qu’on fabrique de nos humanités, comment on passe le temps, ce qu’on fait de bien, de mal ou pour tromper l’ennui. Je zoome à l’intérieur, et je dézoome.

Es-tu fier de tout le chemin parcouru depuis le début de ta carrière ?

Ouais, je pense ! Je commence à bien aimer ma petite carrière. J’aime bien justement le contact avec les gens, comme ce qu’on fait là. Depuis le livre écrit avec mon petit frère, atteint de schizophrénie, j’ai compris que la rencontre donnait du sens à ce que je fais ; et maintenant, ça influence même ma manière d’écrire. J’essaye de me mettre à la place de celui qui va écouter.

Tu fais du cinéma, de la littérature… As-tu envie de continuer la musique ?

La musique, je ne sais pas… Je pense que le rap reste une musique générationnelle et que c’est bien d’en faire entre 15 et 25 ans, quand on est en phase avec ce qu’on dit, qu’on est dans l’urgence. Quand on est jeune, on vit des choses de la réalité du monde dans lequel on vit. À 40 ans, on est posé, on a sa chérie, son appart, etc. Donc, je pense que plus ça va aller, plus je vais m’orienter vers le cinéma. J’aime beaucoup ça. Je continuerai d’écrire des textes, mais très peu de gens de ma génération restent bons dans le rap en vieillissant. À un moment, il faut laisser ça à la nouvelle génération.

Quels sont tes projets en 2025 ?

Je joue dans la série Frotter frotter qui est diffusée depuis février sur France 2 et qui parle d’un fait de société. Il y a plein de comédiennes extraordinaires qui jouent dedans. Je vais aussi jouer dans un film avec une réalisatrice que j’aime beaucoup, pendant la tournée d’Hypersensible.

Interview réalisée par Assia, Bilal, Dilan, El Amir, Kais, Killian, Lina et Yesmine

Partager

Ce qui pourrait vous plaire

Inscrivez-vous à notre newsletter

Promis ! On ne vous spammera pas !

Offrez un moment d’émotions à vos proches, qu’ils soient passionnés de musique, de culture, ou tout simplement en quête de nouvelles découvertes.

Pour Noël, offrez un chèque cadeau du 6MIC et faites plaisir à vos proches avec un choix de plus de 120 concerts par an !

  • Chèque valable 1 an à compter de la date d’achat.
  • Trois montants disponibles : 10€, 20€ et 50€
  • Chèques cumulables sur la même commande !